Éclairage sur l'hydrogène : Samir Rachidi de l'IRESEN partage sa vision pour une industrie verte au Maroc et en Méditerranée
À travers cet entretien avec le Dr. Samir Rachidi, Directeur Général de l'Institut de Recherche en Énergie Solaire et Énergies Nouvelles (IRESEN), nous approfondissons la réflexion collective entamée lors d'un précédent atelier de consultation nationale organisé à Rabat, au Maroc, par le réseau MED-GEM. L'attention portée sur le potentiel de l'hydrogène renouvelable en tant que catalyseur pour le Partenariat Vert, la coopération et l'émergence d'une industrie verte entre l'Union européenne et la Méditerranée du Sud révèle des aspirations considérables. Dr. Rachidi expose ici les perspectives, les enjeux et les efforts déployés pour concrétiser cette opportunité en une réalité génératrice de valeur durable pour la région.
Comment l'IRESEN soutient-il le développement de l'hydrogène vert au Maroc et quelles stratégies stone adoptées pour surmonter les barrières technologiques et industrielles ?
En ma qualité de gestionnaire d'une infrastructure de recherche, je souhaite mettre en avant le rôle crucial de l'innovation pour le déploiement à grande échelle de l'hydrogène vert au Maroc, en particulier en Afrique, et de manière plus étendue dans la région MENA (Moyen-Orient, Nord Afrique, Europe).
L'objectif primordial pour nous, Marocains, en tant que pays en voie de développement, est d'utiliser nos infrastructures de recherche, nos chercheurs et notre industrie naissante pour une première étape d'apprentissage. Cela englobe non seulement la compréhension des technologies de l'hydrogène et des techniques de production, mais également la maîtrise des savoir-faire, des contraintes, des leviers, et des obstacles technologiques et industriels à surmonter pour le déploiement de cette industrie dans notre région.
Nous aspirons également à exploiter cette ambition comme une opportunité pour former notre capital humain, en mettant particulièrement l'accent sur le développement des compétences de chercheurs, d'ingénieurs, de techniciens, et de gestionnaires de projets. Car il est crucial de comprendre que ce n'est pas seulement une question d'infrastructures ou d'équipements, mais également une question de compétences et d'intelligence collective à mobiliser pour garantir la réussite de ces projets ambitieux.
Enfin, dans le cadre de mon message destiné aux décideurs de l'Union européenne, je tiens à souligner de manière récurrente l'opportunité exceptionnelle que nous avons ensemble, entre le nord et le sud de la Méditerranée, de créer une valeur verte significative dans notre bassin méditerranéen. Cette vision partagée peut véritablement devenir un moteur de collaboration fructueuse, générant des retombées positives pour toutes les parties impliquées.
On accorde actuellement une attention particulière à l'hydrogène, se posant des questions essentielles telles que : comment le transporter ? Comment le certifier ? Sur quelle forme envisageons-nous de l'utiliser ? Quels sont les applications possibles, et ainsi de suite. Cependant, on constate un manque de discussion sur l'amont. En parlant d'amont, je fais principalement référence à des secteurs tels que l'industrie photovoltaïque, l'industrie éolienne, l'industrie des batteries, l'industrie électrolyseur et l'industrie du dessalement. Ces industries, en amont du processus, sont relativement peu présentes, voire inexistantes, en Europe.
L'objectif est de créer une situation gagnant-gagnant avec les pays de la Méditerranée du Sud, englobant non seulement le Maroc, mais également l'Algérie, la Tunisie, l'Égypte, et bien d'autres. Cela représente un vaste marché où chacun a sa place. L'ambition va au-delà, visant à établir des giga-factories produisant des panneaux photovoltaïques et des éoliennes d'électrolyseurs dans les deux régions, couvrant ainsi les deux rives de la Méditerranée de manière complémentaire. Cette approche vise à générer de la richesse, à créer des emplois et à contribuer à la stabilisation des populations face aux défis migratoires. Le sujet de la migration demeure particulièrement pertinent dans les sociétés européennes, et cette perspective permettra également aux pays en développement, tels que le Maroc, de progresser et de répondre aux besoins de leurs concitoyens.
Comment les projets de recherche soutiennent-ils le déploiement de l'hydrogène et garantissent-ils l'adaptation technologique au contexte méditerranéen et la formation des compétences nécessaires ?
Concernant notre projet de fonds de recherche et d'innovation visant à soutenir le déploiement à grande échelle de l'hydrogène, notre focalisation se dirige vers l'ensemble des technologies qui composent la chaîne de valeur. Un accent particulier est mis sur l'électrolyseur, considéré comme le maillon potentiellement faible et nécessitant un renforcement en termes de maturité technologique et industrielle. Cependant, notre perspective reconnaît notre position et ne vise pas initialement à créer de nouvelles connaissances ou innovations, sachant que des pays plus avancés peuvent nous apporter leur expertise.
Dans un premier temps, notre objectif est d'être des utilisateurs avertis de la technologie. Cela signifie être capable d'utiliser un électrolyseur, d'extraire des données, de comparer des technologies, et surtout de garantir l'adaptation au contexte local méditerranéen. Bien que la région bénéficie d'un ensoleillement important, elle présente également des défis tels que la présence de sable et de poussière, des aspects qui peuvent différer des pays européens. Ainsi, avant d'investir des sommes considérables dans de grands projets, il est essentiel d'être certain des technologies à appliquer et de leur adaptation au contexte local.
Par la suite, un besoin crucial d'accompagnement émerge, en particulier dans les domaines de la formation et de l'installation pilote. Alors que la formation théorique est rapidement maîtrisable, le défi réside dans la formation d'un capital humain spécialisé dans l'utilisation des équipements. Cela nécessite la mise en place de petits électrolyseurs et d'installations d'hydrogène vert à petite échelle, de l'ordre de quelques kilowatts à quelques dizaines de kilowatts. Ces dispositifs doivent être intégrés dans les laboratoires de recherche et les centres de formation pour qualifier un capital humain composé de techniciens et d'ingénieurs spécialisés dans ces technologies. Le projet inclut également la création d'une plateforme à l'échelle du mégawatt en collaboration avec nos partenaires de l'UM6P. Cette plateforme vise à démontrer, tester, valider et former le capital humain en prévision du déploiement à grande échelle de cette industrie.
Quelles sont vos attentes aujourd’hui avec MED-GEM Network et comment pensez-vous pouvoir accélérer la coopération environnementale marocaine ?
Cette initiative représente pour moi l'archétype de la plateforme essentielle entre les deux rives de la Méditerranée. Elle offre un espace propice à des discussions franches, à bâtons rompus, non seulement d'un point de vue technique et ingénierique, mais également en incluant les aspects réglementaires, légaux et financiers. Déployer à grande échelle cette industrie nécessite, à la fois malheureusement et heureusement, un alignement parfait de divers éléments. Il est impératif que tous les aspects soient soigneusement étudiés et ouverts pour concrétiser un projet.
Depuis la production de l'électron vert dans le sud de la Méditerranée jusqu'à l'importation et l'utilisation de la molécule verte dans le nord, impliquant les ports méditerranéens du nord, cette démarche traverse une chaîne de valeur complexe. Le processus, inhérent à un projet vert, présente une complexité inouïe. Ce projet vise à simplifier cette complexité et à créer des canaux d'échange. L'événement d'aujourd'hui a réuni de nombreux intervenants représentant divers secteurs de l'écosystème, incluant des acteurs privés, publics, des transporteurs de gaz et d'électricité, ainsi que des producteurs d'énergie.
Cela représente un outil puissant qui peut être renforcé davantage, peut-être par l'introduction de mesures et d'outils de gouvernance ou par la mise en œuvre de projets de suivi. Ces derniers pourraient dégager des sujets de travail basés sur les enseignements du programme actuel, permettant des analyses approfondies sur des thèmes spécifiques. Il pourrait également servir de point de consolidation pour tout ce savoir-faire, facilitant ainsi la formulation de recommandations à l'Union européenne et aux pays du Sud.