Hydrogène vert en Méditerranée : promesses et réalités d’une transition énergétique
Alors que l'Europe intensifie ses ambitions en matière d'hydrogène vert, la région méditerranéenne se positionne comme un acteur clé de la transition énergétique. Dr Sohbet Karbuz, Directeur des Hydrocarbures et de la Sécurité Énergétique à l'OMEC, explore l'avenir du commerce de l'hydrogène, le rôle des infrastructures existantes et les dynamiques complexes entre les rives nord et sud de la Méditerranée.
Équilibrer les ambitions : la dynamique Nord-Sud de l'hydrogène
À l'heure où l'Europe ambitionne de devenir un leader mondial de l'hydrogène vert, la région méditerranéenne se révèle un partenaire stratégique et un fournisseur potentiel de premier plan. Intervenant à la Semaine Méditerranéenne Verte à Istanbul, Dr Sohbet Karbuz, Directeur des Hydrocarbures et de la Sécurité Énergétique à l'OMEC, a souligné les rôles variés que pourraient jouer les différents pays méditerranéens sur ce marché en pleine émergence. Il a insisté sur la nécessité d'évaluer de manière réaliste le potentiel de l'hydrogène dans la région, mettant en garde contre une surestimation du rythme et du volume des exportations d'hydrogène du Sud vers le Nord de la Méditerranée. « Le potentiel est indéniable », a-t-il déclaré, « mais nous devrions peut-être être un peu plus réalistes en termes de quantités et de délais. »
Profils énergétiques divers et implications économiques
Les profils énergétiques variés des pays méditerranéens influencent leur potentiel sur le marché de l'hydrogène. Dr Karbuz a expliqué que les grands exportateurs d'énergie comme l'Algérie, la Libye et l'Égypte pourraient utiliser la production d'hydrogène pour libérer du gaz naturel destiné à l'exportation, augmentant ainsi leurs recettes. À l'inverse, des nations dépendantes des importations telles que le Maroc et la Tunisie pourraient recourir à l'hydrogène pour réduire leur dépendance aux hydrocarbures importés. Cependant, les dépenses opérationnelles significatives et le besoin d'investissements substantiels posent des défis. « Qui financera cela ? Est-ce que ces pays attireront suffisamment d'investissements ? Cela reste à voir », a noté Dr Karbuz, soulignant l'incertitude qui plane sur la capacité d'expansion de l'économie de l'hydrogène dans ces régions.
Réorienter les infrastructures vers un avenir hydrogène
L'infrastructure joue un rôle crucial dans l'avenir de l'hydrogène en Méditerranée. Dr Karbuz a évoqué comment les pipelines existants de gaz naturel, comme le pipeline GME reliant le Maroc à l'Espagne et le pipeline Transméditerranéen reliant l'Algérie à l'Italie, pourraient être réaménagés pour le transport de l'hydrogène. Il a également mentionné le pipeline « Eastmed », initialement prévu pour transporter du gaz naturel d'Israël et de Chypre vers la Grèce et l'Italie, qui est désormais envisagé pour être compatible avec l'hydrogène. Pour certains projets, notamment en Égypte, le transport par navires d'hydrogène sous forme de dérivés comme l'ammoniac pourrait être plus envisageable. La capacité à adapter et à réorienter les infrastructures existantes est essentielle pour faciliter le commerce de l'hydrogène et intégrer l'énergie renouvelable dans le paysage énergétique de la région.
À mesure que la Méditerranée se fraie un chemin à travers ces transitions complexes, sa position stratégique et la diversité de ses ressources offrent à la fois des opportunités et des défis. Les efforts de collaboration dans le cadre de groupes de travail comme celui de la Plateforme Gazière et Hydrogène de l'Union pour la Méditerranée, où Dr Karbuz joue un rôle clé, seront indispensables pour aligner les intérêts et les capacités variés des pays méditerranéens. Ce n'est qu'à travers de tels efforts coordonnés que la région pourra réaliser son potentiel en tant que pilier de la stratégie européenne en matière d'hydrogène vert, contribuant ainsi à un avenir énergétique plus durable et interconnecté.